Nous avons dans notre religion islamique une règle de base, une loi existentielle qui nous révèle clairement et sans le moindre détour ni la moindre parabole
بسم الله الرحمن الرحيم
والصلاة والسلام على أشرف المرسلين
سيدنا محمد وعلى آله وأصحابه أجمعين
Introduction
Nous avons dans notre religion islamique une règle de base, une loi existentielle qui nous révèle clairement et sans le moindre détour ni la moindre parabole que :
« En vérité, Allah ne modifie point l’état d’un peuple, tant que les [individus qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes ».
(S13, V11)
إِنَّ اللَّهَ لَا يُغَيِّرُ مَا بِقَوْمٍ حَتَّى يُغَيِّرُوا مَا بِأَنْفُسِهِمْ
C’est ce que nous affirme le texte coranique en nous révélant une loi fondamentale qui régit notre existence : c’est que nous détenons la règle d’or de tout changement, que nous sommes responsables de notre existence.
C’est donc à l’Homme, à nous, de nous corriger nous-mêmes, à nous de changer notre vision du monde, c’est là le sens que nous comprenons de la Aya coranique :
« Nous avions proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes la responsabilité (de porter les charges de faire le bien et d’éviter le mal). Ils ont refusé de la porter et en ont eu peur, alors que l’homme s’en est chargé; car il est très injuste [envers lui-même] et très ignorant. ».
(S33, V72)
إِنَّا عَرَضْنَا الْأَمَانَةَ عَلَى السَّمَاوَاتِ وَالْأَرْضِ وَالْجِبَالِ فَأَبَيْنَ أَنْ يَحْمِلْنَهَا وَأَشْفَقْنَ مِنْهَا وَحَمَلَهَا الْإِنْسَانُ إِنَّهُ كَانَ ظَلُومًا جَهُولًا
C’est à nous de nous corriger pour qu’ALLAH nous accorde Sa bénédiction et fasse aboutir nos projets.
Notre religion nous demande aussi de faire le Bien et nous incite à propager la bonne parole. Elle nous engage à nous entraider, elle nous prescrit d’acquérir la connaissance, le علم dans la Aya :
« Et dis : «O mon Seigneur, accroît mes connaissances ! ».
(S20, V114)
وَقُلْ رَبِّ زِدْنِي عِلْمًا
Nécessité de comprendre l’Arabe pour bien pratiquer sa foi
Il existe une relation fondamentale entre la langue arabe et l’Islam. Qu’il nous suffise de nous référer aux multiples Ayat coraniques étayant cette relation : la langue arabe est la langue de la révélation et c’est le véhiculaire de la foi islamique. La Aya (verset) suivante le définit catégoriquement. :
« Nous l’avons fait descendre, un Coran en [langue] arabe, afin que vous raisonniez. ».
(S12, V2)
إِنَّا أَنزَلْنَاهُ قُرْآنًا عَرَبِيًّا لَّعَلَّكُمْ تَعْقِلُونَ
Le premier pilier de l’Islam, c’est-à-dire le témoignage se fait en Arabe. Le deuxième pilier, la prière ne peut se faire qu’en langue Arabe en récitant la Fatiha/ فاتحة et la Sourate choisie. Le prêche du vendredi également se fait en langue arabe.
Par ailleurs, il est notoire de rappeler que la croyance nécessite la compréhension. Abu Dhar Al ghifari – أبو ذر الغفاري – a rapporté que le Prophète e a dit :
حضورُ مجلس علم أفضل ُ من صلاة ألفَ ركعة، وحضور مجلس علم أفضل ُ من عيادة ألف مريض، وحضور مجلس علم أفضل من شهود ألفَ جنازة
« Se réunir pour acquérir des connaissances est mille fois mieux que de faire des prières de milles Rakaa, assister à une telle réunion vaut mieux que de rendre visite à mille malades, aussi assister à une telle réunion vaut-il mieux que d’assister à mille l’enterrement.
Lorsqu’on posa la question au Prophète, prières et bénédictions de Dieu sur lui :
» يا رسول الله، ومن قراءة القرآن؟ »
« O Messager d’ALLAH, et même de lire le Coran ? »
Il répondit :
« وهل تنفع قراءة القرآن إلا بعلم »
« Et la lecture du Coran est -t-elle utile sans connaissances ? »
Ainsi, il est clairement établi que l’on se doit de comprendre la langue arabe pour profiter de la lecture du texte coranique.
C’est dans ce sens que Umar Ibn El-Khattab – عمر بن الخطاب – le compagnon du Prophète, prières et bénédiction de Dieu sur lui, et le 3éme calife Rachidite ordonne aux musulmans d’apprendre la langue arabe. Il dit clairement :
» تعلموا العربية؛ فإنها من دينكم «
« Apprenez la langue arabe car elle fait partie intégrante de votre religion »
Tous les savants musulmans le confirment.
C’est dans ce sens que :
- Le savant Ibn Taymiyya (661-728H /1262-1327) – ابن تيمية – dit :
اللغةُ العربيةُ من الدين، ومعرفتُها فرضٌ واجبٌ؛ فإنّ فهمَ الكتاب والسنة فرضٌ، ولا يُفهمُ إلا بفهم اللغةِ العربية، وما لا يتمُّ الواجبُ إلا به فهو واجبٌ
- Que Hasan El -Basri (21-110H/ 642-728) – الحسن البصري – rapporte qu’il craignait qu’ALLAHسبحانه وتعالى n’exauce pas ses invocations s’il commet un solécisme quelconque dans la formulation de ses phrases … Il écrit :
« ربما دعوتُ فلَحَنتُ فأخافُ أن لا يُستجابَ لي »
« Il se peut que j’invoque et que je commette des fautes dans mes phrases, aussi mes invocations ne seront-elles pas exaucées »
- Quant au savant Ayoub El-Sikhtiyani (66-131H/685-748) – أيوبُ السِّختيانيُّ –, il demandait à ALLAH سبحانه وتعالى Son pardon chaque fois qu’il commettait une erreur langagière …
Pourquoi une telle rigueur et une telle crainte des erreurs de langue ?
Cela s’explique par la sacralisation que ressentaient ces savants pour la langue arabe et pour l’Islam lui-même l’arabe étant son véhiculaire.
Obligation d’aimer la langue Arabe
Outre le Hadith prophétique rapporté par Ibn Abbas qui instaure que cet amour est une obligation islamique :
أحبوا العرب لثلاث ، لأني عربي ولأن القرآن عربي ولأن لسان أهل الجنة عربي
« ابن عباس : » مجمع الزوائد
« Aimer les Arabes pour trois raisons : parce que je suis arabe, parce que le Coran est arabe et parce que la langue des gens du paradis est arabe »
Beaucoup de savants déclarent que l’étude et l’acquisition de la langue arabe est la pierre angulaire de tous les savoirs.
Le Faqih andalou Ibn El-Arabi (468-543H/1075-1148) – ابن العربي – conseille même à ses concitoyens de commencer par enseigner la langue arabe à leurs enfants avant même qu’ils ne commencent l’apprentissage du Saint Coran.
Il explique son opinion en disant qu’il est plus bénéfique de réciter le texte coranique en comprenant ses Ayat, que de l’apprendre d’une façon mécanique qui ne laisse pas transparaître sa signification.
Le très célèbre Ibn Khaldoun (732 -808H/ 1332 -1406) – ابن خلدون – (le père de la sociologie) commente cette opinion d’ Ibn El-Arabi en disant que c’est là une opinion très défendable et même très logique.
Tout cela nous explique également l’amour que doit éprouver tout musulman pour la langue arabe. Nous sommes même en droit de dire que celui ou celle qui ne ressent pas une telle passion pour l’Arabe doit se remettre en question et doit se forcer à se corriger… Le très célèbre philologue El Thaalibi (350-429 H / 961-1038) – الثعالبي – assure :
من أحب الله أحب رسوله المصطفى ، ومن أحب النبي العربي أحب العرب، ومن أحب العرب أحب العربية التي بها نزل أفضل الكتب على أفضل العجم والعرب
الثعالبي: « فقه اللغة وسر العربية » ص5
« Celui qui aime ALLAH aime Son Prophète l’élu, celui qui aime Son le Prophète arabe aime les Arabes, celui qui aime les Arabes, aime la langue arabe dans laquelle a été descendu le meilleur des Livres sur le meilleur des hommes Arabes et Ajam (les Non-Arabes) »
L’obligation d’apprendre la langue Arabe
Tout ceci nous conduit nécessairement à une conclusion évidente : c’est que nous avons tous le devoir d’apprendre la langue Arabe… Cela ne veut pas dire qu’il faut la connaître à la perfection, puisque ceci est le domaine des érudits et des savants de la religion islamique et autres, mais cela veut dire que nous avons tous et toutes l’obligation d’en avoir au moins le niveau qui nous permet de comprendre le sens premier du Saint Coran puisqu’il est dit :
« Ne méditent-ils pas sur le Coran? Ou y a-t-il des cadenas sur leurs cœurs? ».
(S47, V24)
أَفَلَا يَتَدَبَّرُونَ الْقُرْآنَ أَمْ عَلَىٰ قُلُوبٍ أَقْفَالُهَا
Corrélation vitale entre l’Arabe et l’Islam
Rappelons-nous des Ayat coraniques telles que :
« Un Livre dont les versets sont détaillés (et clairement exposés), un Coran [lecture] arabe pour des gens qui savent ».
(S41, V1)
كتاب فصلت آياته قرآنا عربيا لقوم يعلمون
Là où ALLAH سبحانه وتعالى lie entre le texte coranique et l’arabe, entre cette langue et le fait d’accéder au عقل/ la raison, le عقل étant والله أعلم la voie pour l’acquisition de la Connaissance et pour l’accès au Savoir.
Dans la Aya 28 de la sourate « Les Groupes » الزمر :
« Un Coran [en langue] arabe, dénué de tortuosité, afin qu’ils soient pieux ».
(S39, V28)
قرآنا عربيا غير ذي عوج لعلهم يتقون
La notion d’arabicité est mise en relation directe avec التقوى / la piété, avec الاستقامة / la rectitude et la justice et avec الدين /La Religion :
« Certes, la religion acceptée d’Allah, c’est l’Islam ».
(S3, V19)
إن الدين عند الله الإسلام
Cela nous ramène, une fois encore, à l’idée que l’arabicité est liée au caractère divin de jurisprudence éternelle. Cela explique la parole de – عمر بن الخطاب – Umar Ibn El -Khattab :
تعلَّموا العربيةَ؛ فإنها تُنبِتُ العقلَ وتزيدُ المُروءةَ
البغدادي: الجامع: ج2 ص 225
« Apprenez la langue arabe car elle stimule la raison et vivifie la morale »
El-Baghdadi : tome 2 p 225
Aussi conclue-t-on que la langue arabe est une langue unique, exceptionnelle, vu son caractère naturel et divin. Elle est telles les lois naturelles de la physique qui régissent notre existence…
D’ailleurs cette remarque nous la devons à Ibn El Nadim (…-384H /…1047) – ابن النديم – dans son ouvrage «خصائص اللغة العربية »… Il y relève « les étranges caractéristiques » de la langue arabe dont :
- Le fait que le nombre de ses lettres 28 corresponde au nombre des jours dans le mois lunaire et des 28 demeures lunaires reconnues par les astrologues de son temps.
- Le fait que 14 de ses lettres soient régies par une loi morphologique appelée حروف شمسية / lettres solaires, tout comme les nuits de lune montante, et que 14 autres soient appelées حروف قمرية / lettres lunaires correspondants aux nuits de lune descendante.
- Que le mot le plus long en langue arabe est constitué de 7 lettres, le nombre 7 ayant une portée très significative telle que les 7 jours de la semaine et les 7 cieux …
- Que le nombre de ses lettres de préfixe et suffixe حروف الزيادة soit 12 correspondant au nombre des mois dans l’année.
- Que le nombre de ses 3 voyelles du رفع ونصب وجر et de ses temps de ماضي مضارع et أمر correspondent bien aux 3 temps du passé, du présent et du futur…
Sans vouloir faire de la numérologie, nous relevons ces remarques sans les expliquer pour autant …
Mais ce que nous pouvons expliquer ce sont les spécificités internes et les caractéristiques de la langue arabe.
Quelles sont donc ces spécificités ?
Nous essayerons de répondre à cette question dans la deuxième partie de cet article…
Khedija Kchouk, enseignante en arabe à l’IMED